La transition énergétique s'accélère en Europe, portée par des ambitions climatiques renforcées et des avancées technologiques significatives. Cette analyse comparative examine les tendances d'investissement dans le secteur des énergies renouvelables en France et dans le reste de l'Europe, identifiant les opportunités et défis pour les acteurs du marché.
1. Panorama des investissements en France et en Europe
En 2024, les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint 58,7 milliards d'euros en Europe, dont 7,3 milliards en France. Si l'Hexagone se positionne au quatrième rang européen en volume absolu, derrière l'Allemagne (14,2 milliards), le Royaume-Uni (9,8 milliards) et l'Espagne (8,1 milliards), l'analyse révèle des disparités importantes en termes de dynamique et de répartition.
Notre étude met en évidence plusieurs tendances notables :
- La France affiche une croissance annuelle des investissements de 18,4%, supérieure à la moyenne européenne (15,7%), témoignant d'un rattrapage progressif.
- Les investissements par habitant restent cependant inférieurs à ceux observés dans les pays nordiques, avec 107€/habitant en France contre 245€/habitant au Danemark et 198€/habitant en Suède.
- La part des investissements privés progresse significativement, représentant désormais 71% du total en France (contre 63% en 2022), se rapprochant de la moyenne européenne de 76%.
2. Répartition par technologies : des priorités distinctes
L'analyse de la répartition des investissements par technologies révèle des stratégies nationales différenciées, reflétant tant les potentiels naturels que les choix politiques.
En France, la répartition des investissements en 2024 se présente comme suit :
- Solaire photovoltaïque : 41% (contre 36% en moyenne européenne)
- Éolien terrestre : 27% (contre 31% en moyenne européenne)
- Éolien offshore : 18% (contre 22% en moyenne européenne)
- Hydroélectricité : 8% (contre 4% en moyenne européenne)
- Biomasse et biogaz : 5% (contre 6% en moyenne européenne)
- Autres technologies (géothermie, énergies marines...) : 1% (contre 1% en moyenne européenne)
Cette répartition témoigne d'un accent particulier mis sur le solaire photovoltaïque en France, porté par des coûts en baisse constante et un potentiel d'intégration important dans le bâti existant et les zones artificialisées. L'éolien offshore, bien qu'en progression, reste sous-représenté par rapport aux pays disposant d'un littoral important comme le Royaume-Uni ou le Danemark.
3. Rendements et attractivité des investissements
L'analyse des rendements moyens des projets d'énergies renouvelables révèle des disparités significatives selon les technologies et les pays, influençant directement l'attractivité des investissements.
En France, les taux de rendement interne (TRI) moyens observés en 2024 sont les suivants :
- Solaire photovoltaïque à grande échelle : 5,8% (contre 5,3% en moyenne européenne)
- Solaire photovoltaïque en toiture : 6,7% (contre 6,4% en moyenne européenne)
- Éolien terrestre : 5,1% (contre 5,6% en moyenne européenne)
- Éolien offshore : 7,2% (contre 7,8% en moyenne européenne)
- Biomasse : 6,3% (contre 5,9% en moyenne européenne)
Ces rendements s'expliquent par plusieurs facteurs :
- Le mécanisme de soutien par complément de rémunération en France offre une visibilité à long terme qui réduit le profil de risque des projets.
- Les coûts de développement plus élevés pour l'éolien terrestre en France (liés notamment aux procédures administratives et aux contentieux) pèsent sur les rendements.
- L'éolien offshore bénéficie d'un potentiel important mais souffre encore d'un manque d'économies d'échelle par rapport à des marchés plus matures comme le Royaume-Uni.
4. Financement et structuration des projets
Les modalités de financement des projets d'énergies renouvelables évoluent rapidement, avec des innovations financières qui transforment le paysage des investissements.
Nos analyses mettent en évidence plusieurs tendances notables :
- Augmentation du ratio dette/fonds propres : Le ratio moyen atteint désormais 75/25 en France pour les projets solaires et éoliens matures, contre 70/30 il y a deux ans, témoignant d'une confiance accrue des prêteurs.
- Diversification des sources de financement : Les obligations vertes financent désormais 18% des nouveaux projets en France (contre 14% en 2022), tandis que les plateformes de financement participatif représentent 3% du financement total.
- Émergence des contrats d'achat d'électricité de long terme (PPA) : 27% des nouveaux projets en France s'appuient désormais partiellement ou totalement sur des PPA conclus avec des entreprises, contre seulement 12% en 2022.
- Hybridation des projets : 14% des nouveaux projets en France combinent plusieurs technologies (solaire + stockage, éolien + solaire) ou plusieurs sources de revenus (électricité + hydrogène), contre 7% en 2022.
La France se distingue par un développement plus rapide des PPA que la moyenne européenne (22%), mais reste en retard sur l'hybridation des projets par rapport aux pays nordiques où ce taux atteint 23%.
5. Cadres réglementaires et politiques de soutien
L'analyse comparative des cadres réglementaires révèle des approches distinctes qui influencent directement l'attractivité des marchés pour les investisseurs.
Le cadre français présente plusieurs particularités :
- Stabilité du mécanisme de soutien : Le système de complément de rémunération, bien établi, offre une visibilité appréciée des investisseurs sur 20 ans.
- Complexité administrative : Les délais moyens de développement restent supérieurs à la moyenne européenne (5,2 ans contre 4,1 ans pour un projet éolien terrestre), malgré les efforts de simplification.
- Planification territoriale : La mise en place de zones d'accélération des énergies renouvelables devrait réduire les incertitudes, mais son impact reste à confirmer.
- Accès au réseau : Les délais et coûts de raccordement constituent un frein persistant, avec des délais moyens de 24 mois contre 16 mois en Allemagne.
L'indice d'attractivité réglementaire que nous avons développé place la France au 7ème rang européen, derrière l'Espagne, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Portugal.
6. Tendances émergentes et innovations
Au-delà des technologies établies, plusieurs tendances émergentes façonnent le paysage des investissements en France et en Europe :
- Stockage d'énergie : Les investissements dans le stockage par batteries ont atteint 780 millions d'euros en France en 2024, en hausse de 65% par rapport à 2023. Cette croissance, similaire à la moyenne européenne, est portée par la baisse des coûts des batteries et l'évolution des mécanismes de marché.
- Hydrogène renouvelable : La France se positionne au 3ème rang européen avec 1,2 milliard d'euros d'investissements en 2024, derrière l'Allemagne (2,7 milliards) et l'Espagne (1,4 milliard).
- Agrivoltaïsme : La France se distingue avec 340 millions d'euros investis en 2024, devenant leader européen sur ce segment qui combine production agricole et production d'électricité solaire.
- Énergies marines : Avec 210 millions d'euros investis en 2024, la France reste en retrait par rapport au Royaume-Uni (580 millions) et au Portugal (290 millions) sur cette filière émergente.
7. Perspectives et prévisions 2025-2030
Nos modèles prévisionnels anticipent une accélération des investissements dans les énergies renouvelables en France et en Europe, portée par plusieurs facteurs :
- Les objectifs climatiques renforcés au niveau européen (Fit for 55) et français (Stratégie Nationale Bas Carbone).
- La volonté d'indépendance énergétique accentuée par les tensions géopolitiques.
- La compétitivité croissante des énergies renouvelables face aux énergies fossiles et au nucléaire.
- L'électrification croissante des usages (mobilité, industrie, bâtiment).
Pour la France, nos projections indiquent :
- Une croissance annuelle moyenne des investissements de 21% sur la période 2025-2030, supérieure à la moyenne européenne (17%).
- Un volume cumulé d'investissements de 76 milliards d'euros sur cette période.
- Une répartition qui évoluera progressivement vers plus d'éolien offshore (passant à 25% du total en 2030) et de solutions de stockage (12% en 2030).
- Une part croissante des investissements hors mécanismes de soutien public, atteignant 35% du total en 2030 contre 14% actuellement.
Recommandations stratégiques pour les investisseurs
Sur la base de notre analyse comparative, nous formulons les recommandations suivantes pour les investisseurs intéressés par le marché français des énergies renouvelables :
- Diversifier le portefeuille technologique, en incluant des technologies émergentes comme l'agrivoltaïsme ou les solutions hybrides qui bénéficient d'un soutien politique fort en France.
- Anticiper l'évolution des mécanismes de revenus, en développant une expertise sur les PPA et les marchés de capacité qui prendront une importance croissante.
- Intégrer la chaîne de valeur, notamment via des partenariats avec des développeurs locaux pour sécuriser l'accès aux projets dans un contexte de concurrence accrue.
- Adopter une approche territoriale, en travaillant étroitement avec les collectivités locales qui joueront un rôle croissant dans la planification énergétique.
- Explorer les synergies sectorielles, notamment avec l'immobilier (autoconsommation), l'industrie (décarbonation des procédés) et l'agriculture (agrivoltaïsme).
Conclusion
Le marché français des énergies renouvelables présente un potentiel de croissance significatif et des caractéristiques distinctives qui offrent des opportunités attractives pour les investisseurs. Si certains freins persistent, notamment administratifs, les fondamentaux économiques et politiques soutiennent une accélération des déploiements.
Dans un paysage européen en rapide évolution, la France se positionne progressivement comme un marché de premier plan, combinant volume, diversité technologique et innovation. Les investisseurs qui sauront naviguer dans les spécificités du cadre français tout en anticipant les évolutions du marché pourront capturer une part significative de la valeur créée par la transition énergétique.